Inside-out pour smart percussions et piano
Est-il possible de créer un nouveau paradigme d’écoute ? Une situation qui ménagerait un effet d’immersion sonore globale, tout en préservant la localisation de la (des) source(s) sonore(s) ? En d’autres termes, est-il possible « d’intégrer » effectivement l’espace d’écoute ? Voilà la question que se pose Carmine Emanuele Cella en s’attelant à la composition d’Inside-out — une question d’autant plus cruciale pour ce compositeur qui aspire depuis quelques années à une musique sans développement ni écoulement du temps, une expérience d’écoute au présent, sans passé ni avenir, sans mémoire ni projection.
Pour cela, il entend se détacher de ce qu’il appelle la « schizophonie » à laquelle donne lieu les dispositifs électroniques habituels (des systèmes de haut-parleurs) qui détachent le son électronique de l’instrument. Pour s’en débarrasser, il a notamment recours à des instruments augmentés, et fait de sa musique une performance, mise en lumière et en espace. La disposition physique des instruments dans la salle donne au son sa globalité immersive, tandis que leur augmentation préserve la localisation de la source. Bref : inside-out, au-dedans-dehors.
Les enjeux technologiques : des percussions augmentées
Inside-out marque une première pour les instruments augmentés : c’est la première fois que l’on « augmente » des instruments d’aussi grande taille (piano, grosse caisse, plaque métallique large, tam-tam, etc.) — permettant justement d’amplifier le son électronique jusqu’à remplir une salle toute entière, sans casser les instruments. Si les SmartInstruments auxquels nous sommes désormais habitués sont le lieu d’effets précis et détaillés, leurs tailles et leurs factures délicates les empêchent d’être utilisés comme résonateurs physiques à proprement parler.
L’augmentation se fait via plusieurs techniques, dont la principale est le contrôle de la résonance, ou contrôle modal : chaque objet a des modes de résonance propres, dont les fréquences dépendent de la forme de l’objet et de sa matière. Avec des techniques spécifiques, et notamment un capteur et un actionneur (transducteur), reliés par un boitier électronique en temps réel, on arrive à contrôler la réaction physique d’un instrument, en bloquant certaines fréquences de résonance et en excitant d’autres.
Un autre champ d’investigation de Carmine Emanuele Cella, qui décline aussi l’oxymore de son titre « Inside-out », est d’injecter le signal capté sur l’un des instruments pour le réinjecter sur un autre — et ainsi faire « jouer » le second par le premier. On peut ainsi entendre le piano résonner dans la plaque métallique, la plaque métallique dans la grosse caisse, et ainsi de suite — et même boucler la boucle pour obtenir un système quasi autonome (quasi : parce que, qu’on le veuille ou non, ce système perd de l’énergie et doit être réexciter de temps à autres), que l’on peut accorder et moduler. Si l’équilibre est délicat à trouver, et si le dispositif n’est pas sans poser quelques problèmes techniques, cela permet d’obtenir un son global au large spectre unique, qui à son tour excite la salle de concert pour la transformer en un immense corps résonant : un instrument à part entière — dans lequel se trouve le public.