Mockumentary of a Contemporary Saviour, une science-fiction

Publié le 24 avril 2017

Au premier regard, le pitch de Mockumentary of a Contemporary Saviour, le nouveau spectacle de Wim Vandekeybus, évoque un blockbuster hollywoodien : un futur incertain, un monde post-apocalyptique, et une figure de sauveur qui émerge du chaos ambiant. On s’aperçoit cependant très vite que les choses ne sont pas aussi simples : le sujet est bien plus subtil, et la grosse voix des bandes-annonces se teinte d’une ironie lucide (dont le titre témoigne) mêlée d’un ton hérité des contes philosophiques.

Car, dans cet univers cauchemardesque, existe une bulle de sécurité, isolée du reste du monde, au sein de laquelle l’humanité est « sauvée », et même immortelle. Dans cette bulle qui tient à la fois du cocon et de la prison, du paradis et de l’enfer, se trouvent sept personnages d’horizons très éclectiques. Ils ont tous été amenés là par le « messie contemporain » annoncé par le titre : un enfant qui s’est donné pour mission, au prix de son propre sacrifice, de sillonner la surface désolée du globe pour y trouver un maximum de survivants et les faire intégrer cette bulle de temps suspendu et ouaté. Ce jeune garçon, on ne le verra pas – on l’entendra parfois –, mais il est omniprésent, dans tous les esprits. Au fil de leurs danses et conversations sur scène, nos sept personnages en dressent comme un portrait éclaté, où se mêlent faits et fantasmes, vécus et projections.

Dans cette Babel squelettique et recluse, s’élèvent alors des questionnements existentiels : l’immortalité sans trouble aucun de la bulle vaut-elle mieux que la vie dangereuse de l’extérieur ? L’humanité vaut-elle d’être sauvée ? La figure du messie suffit-elle pour continuer à croire ? À croire en la vie ?

Les enjeux technologiques

Dans ce futur décidément peu accueillant, les images sont interdites. Nulle représentation possible, donc, du monde extérieur ou de son sauveur contemporain. Tout passe par les sons. Et là où le cinéma aurait recours aux effets spéciaux, numériques ou non, Wim Vandekeybus se tourne vers les technologies Ircam : « le pouvoir évocateur du son est souvent beaucoup plus puissant que celui de l’image, dit-il. Ici, tout passe donc par la sonorisation. » Un véritable « décor sonore » a ainsi été imaginé par Charo Calvo et Manuel Poletti pour figurer le monde extérieur : un univers post-apocalyptique représenté par un bruit blanc, où chaque événement est rapporté des milliers de fois, jusqu’à l’implosion.

En jetant dans l’arène des personnages aux profils et origines très différents, Mockumentary of a Contemporary Saviour joue également sur le concept de mémoire collective et culturelle. Un autre aspect du travail sonore consiste donc à la traduction simultanée, grâce à l’ordinateur et la synthèse vocale, des langues multiples qui coexistent sur le plateau, sans passer par le surtitrage. Cela pour exploiter la musicalité des langues, vestiges (dans ce futur dystopique) des cultures disparues, sans sacrifier leur compréhension.

Expériences passées à l'Ircam

Wim Vandekeybus est passé à plusieurs reprises dans les sous-sols de la place Stravinsky, notamment dans le sillage de son ami et collègue Thierry De Mey, qui en est un habitué. Et l’Espagnole Charo Calvo, chargée de la création son du spectacle, y a également fait ses classes. Mais c’est le premier projet officiel de Wim Vandekeybus à l’Ircam.

Par Jérémie Szpirglas, journaliste et écrivain

  • Wim Vandekeybus  © Danny Willems
    Wim Vandekeybus © Danny Willems
  • Mockumentary of a Contemporary Saviour  © Danny Willems
    Mockumentary of a Contemporary Saviour © Danny Willems
  • Mockumentary of a Contemporary Saviour  © Danny Willems
    Mockumentary of a Contemporary Saviour © Danny Willems
  • Mockumentary of a Contemporary Saviour  © Danny Willems
    Mockumentary of a Contemporary Saviour © Danny Willems
  • Mockumentary of a Contemporary Saviour  © Danny Willems
    Mockumentary of a Contemporary Saviour © Danny Willems

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