Spotlight : Alessandro Sciarroni

Publié le 23 mai 2017

Du lundi 19 au vendredi 30 juin 2017, Alessandro Sciarroni, invité d’In Vivo Danse-CAMPING, expérimentera autour du corps qui rit au Centre National de la Danse de Pantin. Dans la continuité de son atelier de recherche baptisé Augusto, il abordera l’esthétique du rire dans des workshops avec vingt danseurs et quatre compositeurs.

« Le rire a quelque chose d’esthétique cependant puisque le comique naît au moment précis où la société et la personne, délivrés du souci de leur conservation, commencent à se traiter elles-mêmes comme des œuvres d’art. » Henry Bergson, Le rire

La recherche chorégraphique d’Alessandro Sciarroni emprunte aux langages de la danse contemporaine, de la performance et des sports, une rigueur aussi obsessionnelle que poétique. En saisissant un seul mouvement comme objet de l’œuvre, il exploite la répétition du geste jusqu’à l’épuisement des danseurs ou du public, mis à l’épreuve. Dans ses œuvres, le temps se défait de la durée, qui se condense ou se dilate selon une sensation subjective susceptible d’osciller entre impatience et empathie. La concentration requise révèle, au-delà du divertissement, l’effort et la fatigue, les détails insoupçonnés d’une pratique à la complexité croissante, où « les peurs et les fragilités inhérentes à l’acte de performance » sont mises en exergue. Comme dans sa précédente trilogie, Will you still love me tomorrow?, qui recherchait le sens véritable d’une action en explorant le concept de dextérité, la prochaine étape de son travail de recherche requiert des danseurs une véritable endurance. Par infimes variations, les éléments simples à partir desquels il exploite les états de métamorphose agissent comme des catalyseurs hypnotiques : le regard rivé sur les corps se mouvant dans un espace épuré et habillé principalement de lumière, le public est tenu en haleine jusqu’à ce qu’il mette lui-même un terme à la performance, en quittant les lieux.

Alessandro Sciarroni, Chroma, don’t be frightened of turning the page au CENTQUATRE-PARIS, Avril 2017

Alessandro Sciarroni déconstruit ainsi les limites temporelles traditionnelles du spectacle, lui-même à la frontière des genres. En s’emparant de pratiques culturelles existantes, il les dissèque et les réactualise, c’est le cas de la danse populaire tyrolienne dans FOLK-S, du jonglage dans UNTITLED_I will be there when you die, ou encore de la migration dans TURNING_migrant bodies version qu’il a créé en résidence au CENTQUATRE en 2016. À partir d’une recherche esthétique ouverte à des sens pluriels, il génère un « fort impact émotionnel », une performativité qui apparaît finalement comme étant fondamentale dans ses créations depuis 2012. Les œuvres de cet artiste italien, d’abord performeur puis chorégraphe, ont traversé vingt-et-un pays européens, des festivals tels que l’Impulstanz à Vienne, le Festival d’Automne à Paris, la Biennale de Venise, etc. Il promeut la danse contemporaine au travers de projets nationaux (Progetto Matilde en Italie) et internationaux (Anticorpi Explo, Aerowaves, Modul Dance), où la mobilité des artistes rejoint sa réflexion sur l’immigration et son impact sur la société.

L’Ircam s’associe à nouveau au CN D pour cet atelier ouvert à tous les possibles de l’écriture de plateau. Avec des contraintes pour point de départ mais sans autre dessein que celui de l’expérimentation, le partenariat illustre une volonté d’innovation, de création et de transmission auprès de stagiaires en cours de professionnalisation. C’est au Studio 6, niché au sein de l’architecture en béton brut du CN D de Pantin, que les danseurs/performeurs exploreront l’hyper-expressivité du rire et du mouvement, vecteurs de sons et de vibrations qui feront l’objet d’une partition vocale et physique captée et traitée par les compositeurs. L’improvisation étant totale, il s’agira de garder des traces, empreintes sonores du mouvement généré par le rire, de les ordonner dans une musique purement électronique qui pourra être réinterprétée sur scène par les performeurs. Les temporalités différentes des mondes pourtant si proches de la performance, de la danse et de la musique auront donc à s’apprivoiser le temps de l’atelier In Vivo Danse, dont la présentation publique sera à découvrir au Studio 6 le vendredi 30 juin.

Photo : Centre National de la Danse