Un nouvel atelier pour l'académie ManiFeste-2017

Publié le 28 juin 2017

L’atelier d’interprétation des musiques électroacoustiques combine cette année l’atelier de réalisation informatique musicale au cours d’informatique musicale. Dans la continuité des missions de transmission pédagogique de l’Ircam, cet atelier permet aux jeunes interprètes de se familiariser avec le répertoire et les dispositifs de la musique mixte, s’initiant alors au jeu instrumental avec électronique dans de nouvelles situations musicales. Cet atelier s’inscrit dans le partenariat entretenu depuis de nombreuses années entre l’Ircam et le Pôle Sup’93.


Répétition de l'atelier © Florence Grappin

Cette mise en situation épaule à la fois les musiciens et les interprètes de l’électronique, grâce à un système de travail en binômes où l’un des étudiants joue pendant que le second est en charge de la partie électronique, dans un véritable travail d’interaction. Grâce à cette association, l’atelier est désormais, selon Grégoire Lorieux, plus concret car « moins axé sur la complexité informatique que sur le contenu pédagogique appliqué aux difficultés concrètes de mise en place des pièces dans les cours ». Réalisateur en informatique musicale chargé de l’enseignement à l’Ircam, Grégoire Lorieux contribue au développement d’actions pédagogiques tels que les ateliers de la création auprès du jeune public ou le parcours musique mixte destiné aux élèves instrumentistes de conservatoires, pôles supérieurs, écoles de musique ou ensembles instrumentaux.

Savoir-faire en informatique musicale et réflexion esthétique s’articulent pour apporter un éclairage sur l’émergence de nouvelles pratiques. Au programme, des pièces sélectionnées dans le répertoire de musique mixte : Breath and Break d’Ivan Fedele, Vola de Pierre Jodlowski, Animus de Luca Francesconi et Altra Voce de Luciano Berio.

Rencontre avec Grégoire Lorieux, encadrant pédagogique de l'atelier d'interprétation des musique électroacoustiques

Quels sont les prérequis de cet atelier ?

Il faut pour cet atelier que les stagiaires aient une formation de base aux logiciels de musique. Mais jouer l’électronique d’une pièce, ce n’est pas seulement faire en sorte que ça fonctionne. Il faut, en amont de l’académie, préparer le travail sur l’électronique et les répétitions qui vont avoir lieu avec les musiciens. Il faut connaitre les pièces : les analyser, connaître le contexte esthétique, historique, voire technologique dans lequel elles ont été créées, sinon on reste à la surface des œuvres.

Répétitions dans le studio 2 de l'Ircam avec Grégoire Lorieux © Florence Grappin

Même si l'électronique fonctionne, le travail n’est pas fini ; il commence à ce moment-là. L’objectif de l’atelier est notamment de faire comprendre l’importance de l’interprétation.

Il faut aussi apprendre à articuler le travail entre l’informatique et le son, travailler étroitement avec l’ingénieur du son, car la musique mixte réside en grande partie entre ses mains. Les décisions techniques sont très importantes, elles ont des enjeux esthétiques qui feront sonner une pièce différemment ; décisions qu’il faut parfois pouvoir prendre soi-même. C’est la question des équilibres (entre électronique et acoustique), celle de l’amplification (son intensité, sa puissance) et celles de la technique (choix du matériel, placement…), qu’il faut pouvoir maîtriser. À l’Ircam, les questions techniques sont habituellement traitées par l’équipe extrêmement compétente des ingénieurs du son, qui prennent toujours les bonnes décisions. Ce processus doit être transparent pour les stagiaires qui doivent être conscients de ces décisions.

Dans cet atelier, il y aura des répétitions dans un premier lieu, le studio 2 de l’Ircam, puis un concert dans un autre lieu, la Petite salle du Centre Pompidou. Certains choix devront donc être remis en question ?

Oui, les adaptations in situ sont nécessaires. Dans ce cas, il y aura un dispositif sonore un peu particulier. D’habitude, on entoure le public de haut-parleurs en couronne, tandis que là ce sera frontal - une sorte de plan qui représente une profondeur de scène (2 haut-parleurs au fond, en haut et devant). C’est une spatialisation en hauteur et en profondeur, qui crée une perspective et nécessite une salle adaptée. Par exemple, la pièce Altra Voce de Berio travaillée avec deux étudiants du Pôle Sup’93 est à l’origine sur une scène d’opéra. Il va donc falloir trouver des adaptations dans la Petite salle. Tout ce travail est essentiel dans l’interprétation, parce qu’il y a un travail expressif qui se fait avec les musiciens. L’électronique doit être à l’unisson, en continuité.

Comment se fait la sélection des œuvres du programme et des étudiants ?

On choisit toujours les œuvres d’un programme selon certaines contraintes (de technique, de personnel, de planning), en essayant bien sûr de trouver une articulation intéressante entre les œuvres. Il faut aussi que la partie électronique soit travaillée, ou du moins qu’elle permette un travail, tout en offrant un panel de niveaux différents. Par exemple, dans Vola, pièce avec contrebasse de Jodlowski, il n’y a que des fichiers sons, ce qui est plus facile mais ne signifie pas pour autant qu’il n’y a rien à faire : il faut mixer les sons qui sortent avec l’instrument. Le niveau des candidats n’est jamais homogène. Les pièces sont donc réparties selon les niveaux. Sur un temps de travail de trois semaines, cela permet à chacun d’apprendre et de sortir de l’atelier avec quelque chose de plus intéressant et abouti.

La contrebassiste Claire Lebrun en répétition © Éric de Gélis

Quel est le profil des candidats de l’atelier ?

Pour la partie électronique, ce sont des étudiants musiciens du Pôle Sup’93 issus du Parcours musique mixte. Les autres interprètes sont majoritairement des compositeurs, peu de personnes se dédient exclusivement à l’interprétation des musiques mixtes, qui est une niche. Ils pourront ainsi interpréter eux-mêmes l’électronique du répertoire ou s’en inspirer pour leur propre création.

Le répertoire mixte s’appuie par ailleurs beaucoup sur l’implication des interprètes et compositeurs. Ils viennent à l’académie puis forment un réseau qui promeut ce répertoire finalement assez peu connu, ensuite représenté dans de nombreux pays, ce qui rejoint ce que fait l’Ircam notamment auprès des conservatoires.

Oui, il faut le faire vivre et montrer que ce n’est pas si difficile à mettre en place. Ce matin, je dispensais justement une formation aux professeurs du Conservatoire de Paris pour qu’ils puissent utiliser l’électronique dans leur pédagogie, ce qui est encore assez rarement le cas.

L’électronique est en constante évolution, comment le reconstituer dans une pièce dont la technologie est obsolète ?

Cette question se pose parfois, mais Berio par exemple reste indépendant des technologies en proposant un cadre qui anticipe leur évolution, en s’adaptant aux outils de son temps. Contrairement aux fichiers sons, c’est surtout du travail en temps réel avec les musiciens, comme dans Animus de Francesconi. Même quand tout est établi et que la pièce est signée, il y a des moments dans lesquels on peut élaborer de nouvelles choses.


Les stagiaires de l'académie au Centre Pompidou © Éric de Gélis

C’est donc vraiment dans le détail de l’interprétation et de l’exécution qu’il y a un travail à accomplir. L’instrumentiste peut-il également faire des propositions ? 

C’est possible, car comme dans n’importe quel répertoire, les créations ne sont pas gravées dans le marbre. Dans la musique nouvelle notamment, les pièces ne sont parfois pas finies, il y a des imperfections qui peuvent être corrigées au fur et à mesure.

Même s’il est très développé aujourd’hui, il semble rester un frein pour certaines institutions. Pourtant, le matériel n’est-il pas de plus en plus accessible ?

Oui, sous une certaine forme, mais c’est souvent du matériel fixe et il faut du matériel plus mobile, débranchable, etc. Le plus difficile est de parvenir à un studio modulable.

Des outils plus mainstream comme le téléphone pourront peut-être être utilisés dans le futur ?

C’est vraiment le futur. Bientôt, tout sera en ligne. C’est-à-dire que l’électronique passera par le micro et sera transformé dans le téléphone via un patch chargé dans le navigateur qui fera le travail audio, avant d’en ressortir. Il pourra aussi y avoir des pièces avec des éléments d’interaction !

Est-ce un des projets développés à l’Ircam ?

Oui, le Web Audio est en train de se développer. On en est aux prémices, mais une équipe travaille à la complexification des modules pour qu’ils soient utilisables dans des concerts les années à venir.  Mais même si un ordinateur peut être remplacé par un téléphone, il y aura toujours tout le dispositif audio qui reste assez lourd. Par contre, pour répéter ou pour de la pédagogie en salle de cours, toute la partie informatique sera beaucoup plus accessible et légère.

  • Session de travail avec Benny Sluchin, Grégoire Lorieux dans les studios de l'Ircam  © Florence Grappin
    Session de travail avec Benny Sluchin, Grégoire Lorieux dans les studios de l'Ircam © Florence Grappin
  • Répétitions au Centre Pompidou  © Florence Grappin
    Répétitions au Centre Pompidou © Florence Grappin